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Article paru dans la Revue de Gemmologie AFG N°213

Dernière mise à jour : 11 janv. 2023

Retrouvez l'article dans son intégralité ici même, merci à l'Association Française de Gemmologie pour cette belle mise en lumière.


Emmanuel THOREUX : Cap à l’Ouest, par Clarisse NORMAND


Fort de ses expériences dans le secteur de la gemmologie et de la joaillerie, Emmanuel Thoreux a créé en 2018 sa société, White River Gems, spécialisée en pierres d’Amérique du Nord. Un segment de niche qu’il s’efforce de faire connaitre et apprécier. Portrait d’un professionnel passionné.


Alors que la traçabilité des gemmes est devenue une problématique majeure au sein de la filière, Emmanuel Thoreux a trouvé la parade. Sa spécialisation sur les pierres d’Amérique du nord lui permer « d’accéder à des mines où il n’y a pas de problèmes de sécurité et ainsi d’acheter directement auprès des mineurs, explique l’intéressé. Mon circuit est transparent et la traçabilité des gemmes garantie ! »


Mais au-delà de l’argument éthique et commercial, c’est son coup de cœur pour les « gemmes atypiques et méconnues » et sa volonté de les faire connaitre qui l’ont conduit à se lancer sur ce créneau. D’où la création de la société White River Gems en 2018, après une vingtaine d’années d’expériences professionnelles dans le domaine des pierres qui le fascine depuis l’enfance. « Je suis comme un bigorneau ! Une fois accroché à mon rocher, je ne bouge plus » plaisante ce breton d’origine qui a construit sa carrière de manière à « garder le contact avec la matière ».


Emmanuel au parc national de Petrified Forest en Arizona, USA

« Très tôt, les cailloux m’ont passionné, se souvient celui qui est devenu gemmologue, lapidaire, acheteur et négociant de pierres. Mes parents tenaient un restaurant et, sur le parking, il y avait pleins de petits micas brillants. J’en avais accumulé tout un stock dans ma chambre ! » De fil en aiguille, le jeune homme se documente sur les pierres et se prend d’intérêt pour l’art lapidaire.

« C’est le côté artisanal et non scientifique qui m’a intéressé » explique Emmanuel Thoreux, qui, à 14 ans, voulait faire un CAP de lapidaire. Toutefois, poussé à poursuivre ses études, il passe un bac scientifique et enchaîne avec des études biologie et géologie.


Mais en 2001, il revient à son idée première et postule pour devenir « manœuvre lapidaire chez Joz-Roland & Fils. J’y ai découvert un métier très stressant car dans la taille, tout peut basculer jusqu’au dernier moment. » Début 2002, il change d’entreprise et de casquette. Il entre chez le diamantaire Messika comme préparateur de commandes. « Là, c’est un univers feutré qui m’attendait, avec des flux matière impressionnants. »

Un an plus tard, à 22 ans, il reprend le chemin de l’école et s’inscrit en cours du soir à l’institut national de gemmologie à Paris. Des études qu’il finance en étant barman dans un hôtel du 7ème arrondissement. Fort de cette formation, il rejoint en 2006 Georland, discrète mais prestigieuse maison qui conçoit et réalise des collections pour les plus grands noms de la joaillerie. Il débute au service des confiés pour les ateliers puis commence très vite à sourcer des pierres pour des collections et à gérer les relations avec les sertisseurs. « C’est un métier, là encore, qui nécessite une bonne résistance au stress. Quand on est acheteur il faut être capable de gérer tout un tas d’imprévus. »


Extrêmement formatrice, cette expérience chez Georland est aussi riche en amitiés solides. Ainsi des liens noués avec l’ex-directeur de fabrication de la maison, Olivier Vaubourg. Aujourd’hui directeur général de Dorsey, ce dernier décrit son ami comme « un professionnel passionné et exigent… mais toujours bon camarade. Sauf lorsqu’il revenait de Bretagne ! Le retour à la vie parisienne lui était toujours difficile et le mettait de mauvaise humeur. Mais ça ne durait pas. Son émerveillement devant les pierres l’emportait. »

L’aventure chez Georland durera 5 ans. En proie à d’importantes difficultés financières, la société est contrainte en 2010, trois ans avant sa liquidation judiciaire, d’alléger sa masse salariale.

Licencié pour raisons économiques, Emmanuel Thoreux en profite pour finaliser une formation à l’Université de Nantes où il décroche en 2011 un DUG, diplôme universitaire en gemmologie, avec un mémoire consacré au « Vanadium trivalent comme colorant dans les gemmes. »


Dans la foulée, il rejoint Orest Group, leader européen des bijoux de mariage basé en Alsace, prés de Strasbourg. Entre 2011 et 2017, il y est responsable du service pierres puis des achats gemmes et façon. « Je brassais de plus en plus de chiffres et de moins en moins de pierres, se souvient-il. C’est la raison pour laquelle j’ai décidé de partir. »


Jaspe Deschute de l'Oregon, USA


Père de deux enfants, il court le risque de quitter une société solide avec un avenir confortable pour se mettre à son compte en misant sur un segment « d’ultra niche ». Une décision de cœur mais aussi de raison pour cet ancien champion de Rink-Hockey qui n’a jamais craint de sortir des sentiers battus.


« J’ai découvert les pierres fascinantes d’Amérique du Nord en 2011, lors d’un voyage à Tucson (Arizona), se souvient Emmanuel Thoreux. En particulier le jaspe de Biggs, une pierre avec des motifs en volutes incroyables. Je n’en avais jamais vu auparavant. En fait, dans tout l’Ouest américain, on trouve des pierres atypiques et méconnues qui ont des histoires à raconter. »


Alors que dans l’univers très concurrentiel des gemmes, il y a des spécialistes pour tout, il s’aperçoit qu’ «il n’y en a pas pour le territoire nord-américain ». Dans le même temps, il observe « une demande qui ne cesse de croître pour les matières atypiques, porteuses d’innovations créatrices ».

C’est dans ce contexte qu’il crée, à Strasbourg, en 2018, sa société : White River Gems, « un nom inspiré par l’Arguenon « rivière blanche » en breton, qui traverse le village de mon enfance, Créhen dans les côtes d’Armor. Je l’ai juste américanisé ! ».

Un écho à l’origine des pierres qu’il valorise comme « de nouvelles sources d’inspiration pour la création » auprès d’une clientèle composée de « bijoutiers-joailliers et lapidaires français, allemands, mais aussi suisses et belges ».


Finance oblige, Emmanuel Thoreux leur propose aussi des gemmes plus classiques venues d’autres territoires : saphirs, rubis, émeraudes etc… Outre un contact à Madagascar, spécialiste des saphirs non chauffés, il a développé un partenariat à Bangkok pour tous ses autres approvisionnements.

« Aujourd’hui, estime le chef d’Entreprise, mes ventes se répartissent à 50-50 entre les pierres atypiques et les matières classiques. »


Mais le négociant s’est remis également à la taille. « Je me suis équipé de machines pour réaliser des tailles cabochons, explique-t-il. En taillant moi-même, je me crée de nouveaux débouchés pour mes achats de bruts. Le créneau est d’ailleurs intéressant car ces pierres dures taillées en cabochons permettent de réaliser des bijoux peu onéreux pour lesquels il y a une demande importante. »

Conscient des impératifs économiques et de la nécessité de disposer d’une importante trésorerie, Emmanuel Thoreux sait que la partie n’est pas gagnée. « Pour moi, l’enjeu est d’abord financier et économique. On estime que seul un cinquième de ceux qui se lancent parvient à passer le cap des 5 ans ! J’espère en faire partie. Aujourd’hui, j’ai fait plus de la moitié du chemin puisque White River Gems existe depuis 3 ans et demi. »


Pour poursuivre l’aventure, Emmanuel Thoreux a en tous les cas plus d’une corde à son arc et une passion inaltérée.


Les dates clés :

1978 : Naissance dans les Côtes d’Armor (Bretagne)

2001 : Manœuvre lapidaire chez Joz Roland & Fils

2002 : Préparateur de commandes chez Messika

2002-2006 : Diplôme de gemmologie à l’Institut Nationale de Gemmologie (ING)

2006-2010 : Acheteur chez Georland

2010-2011 : Diplôme Universitaire de Gemmologie (DUG) à Nantes

2011- 2017 : Responsable du service pierres puis responsable des achats précieux chez Orest Group

2018 : Gérant de White River Gems

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